Être ou ne pas être... en cohérence

Un billet un peu particulier sur ce blog, moins public que les autres. Si vous ne comprenez rien, c'est qu'il ne vous est pas destiné ;)

Préambule

NB : Lecture sensible, si vous êtes confortable dans le status-quo, peut-être que ne pas aller plus loin est une bonne idée.
NB2 : J'essaie de ne blesser personne tout en faisant passer mon sentiment, équilibre subtil, voire fragile :-/

Contexte

Ce WE du 14 Juillet, on s'est de nouveau réunis avec des copains et copines de promo. La bande de joyeux drilles, provenant des 4 coins de France et réunis sur un campus de province pendant 4 années d'études, continue à tenir, 8 ans après le diplôme royal d'Ingénieur Généraliste. C'est une voie que ma compagne et moi avons laissé derrière nous depuis déjà quelques années, pour bifurquer ou deserter comme diraient certains, ou en tout cas pour chercher à améliorer le monde au lieu de l'exploiter.

Ces réunions parsèment notre calendrier depuis la sortie d'école, 2 à 3 fois par an, au rythme des invitations et des voyages organisés. Si on a décliné la Guadeloupe et l'Afrique du Sud pour cause de CO2, on a quand même rejoint la bande à Amsterdam en TGV, et dans plusieurs villes de France pour partager un bout de vacances.

Sentiment

Moi qui ne suis pas un animal très social, et en tant que "pièce rapportée" du groupe (à l'école, j'étais plutôt musique/bricolage que grosses soirées/papotages), je me suis souvent demandé ce que je venais y faire. Tous ces gens sont très sympas, et le cadre de nos retrouvailles est toujours confortable ou dépaysant. Et puis c'est normal, vous me direz, de revoir ses amis d'antan, même quand la vie nous sépare.

Mais les amis, c'est sensé évoluer ensemble, changer avec la vie, non ? Je ne me sens plus en cohérence avec cet écosystème d'ingénieurs. Dans ce groupe, je trouve qu'on a beau traverser chacun·e des choses intenses, différentes et éclairantes, on ne trouve pas de moyen de les partager de manière intime, comme quelque chose qui pourrait faire bouger les lignes, et construire un chemin commun.
Notre seule raison de se réunir semble de perpétuer le sentiment qu'on a eu à la sortie d'école, celui du "prédateur dominant", à qui toutes les portes sont ouvertes pour faire carrière et profiter du monde. Argent, responsabilité, "pouvoir" sur sa vie ? oui ça on peut en trouver. Sens/valeurs, impact sociétal, amélioration du monde ? c'est beaucoup moins évident.

Que ce soit nos discussions ou nos activités, il m'a semblé que la réunion de ce WE aurait pu être celle d'il y a 8 ans (à l'exception notable des mini-nous de 0 à 4 ans qui ont partagé notre temps). On a avancé dans nos projets, nos carrières, mais la plupart suivent les mêmes rails que ceux qui nous ont mené au diplôme, posés par d'autres et prêts à servir le même monde.
On n'a pas su -et moi non plus- ouvrir un espace de discussion sur le fond, quelque chose de peut-être plus intime et plus impliquant, qui nous fasse résonner. Quand je compare avec nos interactions avec d'autres camarades de promotion, le contraste est saisissant : on parle d'effondrement, d'inventer des futurs désirables, des actions qu'on aimerait mener pour se sentir "en cohérence"...

Je repars d'autant plus frustré du WE que c'est une réflexion que nous partageons, ma compagne et moi, depuis plusieurs années déjà. Et on est ressortis avec le même ressenti de ce n-ième temps partagé, sans espace ou espoir de changement. La question de "on y va ou pas ?" s'est déjà posée plusieurs fois, partagés entre la nostalgie, le plaisir des amitiés, la facilité des retrouvailles d'un groupe social établi, et ce décalage de plus en plus grand entre nos vies et les leurs. On soutient les bloqueurs de vos chantiers et de vos industries, quoi !.
Et aussi, l'effort de déplacement/de temps pour participer à ce groupe limite notre temps passé à "vivre là où on habite", une façon d'être qui nous tient à coeur, après des années à vivre la France en TGV, pour la famille et tous les amis... La transition, ça se vit avec ses voisins :)

Souhait

Sans doute que dans ce groupe, on est très/trop enfoncés dans les habitudes pour trouver une raison de changer. Après tout, c'est aussi le confort (la paresse ?) qui nous font nous retrouver dans ces relations-là, pas toxiques mais pas épanouissantes non plus. La vérité n'est sans doute pas la même pour celles et ceux qui vivent à proximité, et qui partagent davantage depuis la sortie d'école que ces seuls WE.
Ce billet est donc un pavé dans la mare, un secouage de cocotier pour faire bouger les lignes, essayer à mes yeux de "sauver ce qui peut l'être". Depuis plusieurs épisodes, j'aurais aimé poser des questions comme "Comment faire un enfant dans un monde en flammes ?" ou "quel job sauver à T+3°C ?", mais il faut croire que je suis trop timide.

Je n'en veux à personne, ce n'est pas une accusation car je ne pense pas que quiconque soit "fautif" du ressenti que je partage (à part moi ?). Et puis le groupe peut continuer comme avant, je ne peux pas dire que vous faites du mal à qui que ce soit. Mais j'aimerais savoir si un sursaut, une introspection, une bifurcation générale est possible (même minime, ou partielle, ou je ne sais quoi...). Car j'arrive au bout de mon intérêt dans nos relations, et je n'ai pas envie de les laisser prendre la poussière dans un coin de ma boite mail, juste pour les ranimer au prochain mariage...

Vous croyez que je rêve, que je suis à côté de la plaque ? Ou bien ça vous parle aussi ? Comment pourrait-on brise le sort et passer à une nouvelle étape de nos amitiés ? C'est par exemple ce qu'on a cherché à faire avec "Résiliences Galettes et Tutti Quanti", mais la sauce n'a pas pris :-/

Après je ne dis pas que les autres ne font rien ou sont aveugles sur les sujets qui me tiennent à coeur : entre le 0-déchet, les maisons bien isolées, le choix de boulot pour favoriser la famille ou les transports doux, l'envie de chercher des alternatives... je pense qu'on aurait plein de choses à se dire ! Si ça se trouve vous en parlez déjà, à d'autres moments, dans d'autres cadres. Mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi ces sujets-là sont toujours absents de nos discussions, et qu'on ne parle finalement que du quotidien/routine. (La place des enfants réduit aussi notre capacité à avoir des discussions longues et construites x) mais je n'accuse personne, non non !)

Merci de m'avoir lu, à vous la parole !

--

PS : Un moment témoin, que je tenais à partager car il m'a marqué, dans le WE : alors que je me replonge dans les luttes féministes en lisant Mona Chollet - Sorcières, j'ai pu voir deux épouses (avec enfants) passant du temps à éplucher l'emploi du temps de leurs maris respectifs pour leur trouver un créneau de loisir ensemble, car ils n'arrivent pas à se l'organiser eux-même. Y'a du boulot, non ? (ce à quoi on me répondra sans doute avec raison : la critique est facile mais l'art est difficile...)

By @Jaxom in
Tags :